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Denis Le Constant
19 février 2018

Moyembrie : un trait d’union entre la prison et la liberté

En 1990, un couple de jeunes retraités, Jacques et Geneviève Pluvinage, rachètent un corps de ferme dans l’idée d’accueillir des personnes à la marge. Un jour, ils reçoivent une lettre « Je vais être libre très prochainement et je ne sais pas où aller ». Très vite, les détenus se passent le mot et la ferme devient un lieu d’accueil pour de nombreuses personnes tout juste libérées. En 2002, lorsque l’administration pénitentiaire visite cet endroit hors norme, elle propose aux propriétaires de signer une convention encadrant l’accueil des personnes en placement extérieur, l’un des aménagements de peine possible en France, afin de leur assurer une meilleure transition entre la vie en détention et la vie libre. Après des mois, voire des années de prison, retourner à une vie libre du jour au lendemain est souvent un moment brutal que de nombreux détenus appréhendent. La prison désocialise, l’entourage et la famille tirent souvent un trait sur un passé qu’ils souhaitent oublier au plus vite, laissant les personnes détenues dans une grande solitude et sans ressources. Malgré tout, il va falloir réapprendre à vivre à l’extérieur de la prison. Les personnes qui passent leurs derniers mois de détention à la ferme de Moyembrie sont toutes volontaires. Suite à l’envoi d’une lettre, une personne de la ferme vient rencontrer, en prison, le détenu et son conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP). Ce sera ensuite au juge d’application des peines (JAP) de décider si, oui ou non, la personne fera l’objet d’un placement extérieur pour finir sa peine. À ce jour, la structure est conventionnée pour accueillir 19 personnes en placement extérieur, mais aussi des personnes qui ont connu la prison et des personnes en insertion. Une mixité essentielle pour assurer l’équilibre fragile de ce projet et qui permet d’assurer une force de travail continue à la ferme. En effet, la ferme livre chaque semaine 150 paniers bio à des Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne (AMAP) constitués de fruits, de légumes, d’oeufs, de fromages de chèvre... Entre le maraîchage, l’élevage de poules et de chèvres, l’entretien des bâtiments, la structure est un lieu d’apprentissage et de transmission des savoirs permettant à chacun de trouver sa place et son rythme, à la veille de sa vie libre. Parallèlement, les résidents de la ferme sont accompagnés par l’équipe de salariés et de bénévoles afin de mettre en place leurs projets d’avenir : passer son permis de conduire, rechercher un hébergement ou un logement, s’inscrire à une formation, se soigner… et bien plus encore. Dans ce lieu, les personnes retrouvent une chambre dont elles conservent la clé, les portes sont ouvertes, elles sont appelées par leur prénom, les encadrants leur laissent des responsabilités et leur font confiance. Olivier, arrivé de la prison de Bapaume le 21 mars 2017 nous raconte « J’ai demandé un aménagement de peine. Je ne connaissais pas ce lieu mais ma CPIP a postulé pour que je vienne ici. Cet endroit me convient, il me replace dans l’univers agricole que j’ai connu avant la prison. Bien sûr que j’aimerais rester ici longtemps encore, je n’ai plus rien à l’extérieur ». Le passage par Moyembrie peut être un moyen de réinsertion après des années de prison, mais il ne doit pas faire perdre de vue que la vraie liberté est ailleurs.

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